Jazz Club (first)
Les
deux musiciens, plantés dans un renfoncement sombre, faisaient danser
leurs mains sur les cordes tendues de la guitare et de la contrebasse
qu’ils tenaient amoureusement embrassés. J’y entrais sans trop y penser, attirée par les notes s’échappant de la porte entrouverte. Le patron me salua d’un grognement. Dès les premières secondes je sus qu’il ne me fallait pas en attendre d’avantage. Seule
femme présente dans ce bouge, je n’eus pourtant pas l’impression de
dépareiller dans le paysage. Je dois dire aussi qu’avec mon manteau
noir, mes talons aiguilles, ma robe courte et mon cœur en vrac, c’était
exactement le genre d’ambiance qu’il me fallait. Je m’approchais du bar, commandais une bière et m’installais à une petite table crasseuse, face aux musiciens. Après
seulement quelques minutes, je me sentais comme chez moi. Mieux même.
Je m’allumais une cigarette, me calais contre le dossier de ma chaise
et regardais courir les notes de jazz tout le long de la fumée. Je
m’apaisais. Le jazz nous parle à tous. Ce soir là, il me parlait à moi. Brisé, il me racontait des histoires d’amour déchues. Rythmé, il contait les aventures solitaires de héros inconnus. Tour à tour mélancolique, romantique, sexy et douloureux. Il était là et m’enveloppait de ses bras comme un ami. Il me plantait ma peine en pleine gueule pour mieux m’en guérir. Puis il se mettait à rire, comme un homme heureux. Ce soir-là j’étais hors du temps. Plus rien ne comptait que les doigts des musiciens qui couraient sur les cordes raides.
L’ambiance
était enfumée dans ce club de Jazz. Les quelques habitués présent
encerclaient le bar, à l’exception de Marlon, le grand costaux, toujours
vissé à sa banquette en cuir au fond de la salle.
Nestane,
A « L’Ancrée
des artistes »
01/05/10, Amboise